L'enfer c'était Auschwitz
Mon passage à l'Est m'amène en Pologne. Je m'arrête à Cracovie alors que l'on m'a suggéré de visiter cette ville plutôt que la capitale Varsovie. La suggestion m'est aussi faite de passer par la ville d'Oswiecim, mieux connue sous son nom allemand d'Auschwitz.
Tout au long de mes récits j'ai souvent parlé des découvertes que j'ai faites tant au niveau culturel, historique ou encore artistique, sans parler des nombreuses personnes que j'ai rencontrées qui ont contribué à l'enrichissement de mon voyage. Le plus souvent ces découvertes s'inscrivent positivement dans le grand livre de l'humanité.
Pour ce qui est d'Auschwitz, son histoire obtient aussi sa place dans le grand livre de l'humanité, mais dans la section des atrocités. Je ne peux imaginer une page plus sombre ou plus noire que celle que les nazis ont écrite en créant les camps de concentration à Auschwitz.
Le génie du mal déployé par les nazis fait preuve d'une cruauté sans borne, d'une intelligence raffinée, d'une hypocrisie et d'un acharnement sans nom dans la terreur. Il est effrayant de penser que toutes ces caractéristiques se retrouvent dans l'être humain, comme quoi nous pouvons être notre pire ennemi. La citation de Plaute prend toute sa dimension ici: l'homme est un loup pour l'homme.
De ce que j'ai retenu, voici le sort partagé par l'ensemble des 1,3 millions de Juifs lâchement assassinés en ces lieux. Premièrement, l'hypocrisie débute alors qu'un secret absolu règnait sur l'existence des camps de concentration. Les Juifs se voyaient offrir par les autorités nazies un billet qu'ils achetaient pour leur déportation. Celle-ci débutait par un voyage de plusieurs jours en train. Les conditions y étaient si atroces que plusieurs passagers mouraient en chemin. La faim, la soif, la faible oxygénation ou encore le manque d'hygiène étaient des vecteurs de maladie dans les wagons du train du désespoir.
A la sortie du train c'était le tri. Dans le calme, un officier déterminait le destin des nouveaux arrivants un par un. La douche pour les femmes, les enfants et les vieillards, ou toutes personnes jugées incapables de travailler physiquement. En réalité, jusque-là on leur promettait un soulagement à leur souffrance pour éviter la panique avant de les diriger vers les chambres à gaz subtilement déguisées en douches communes.
Pour les personnes jugées aptes à fournir un travail physique, c'était le début d'une mort à petit feu. Des journées de travail exténuantes, la malnutrition (pain noir et potages faits de légumes pourris), l'absence d'hygiène (le port des mêmes vêtements pendant plusieurs semaines), la brutalité des geôliers ou les expérimentations médicales de toutes sortes (ai-je besoin de préciser que celles-ci se faisaient sans anesthésie?) venaient à bout des prisonniers en quelques semaines.
Il aurait été heureux de penser que des tentatives d'évasion réussies auraient permis à certaines personnes d'échapper à un destin aussi tragique. De mémoire, il n'en est rien. Personne ne s'est échappé... ou peut-être que si, mais enfin le prix payé par ceux qui restaient derrière était démesuré.
J'espère bien que je n'aurai pas à relater d'autres événements aussi tristes. Comme pour accompagner la morosité de la visite, le soleil n'était pas au rendez-vous, il a fait place aux nuages et à une pluie froide.
Mais, j'imagine que l'absence de soleil ne peut être éternelle, autant pour l'humanité que pour Auschwitz. Quelques mois avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Soviètes ont mis fin à l'occupation nazie en Pologne, délivrant des prisonniers encore souffrants de leur séjour en enfer. C'était un premier rayon de soleil après 5 ans d'orages.
(Cracovie - 11 au 13 novembre 2006)