I'm fine, thank you. And you?
Je dois avouer qu'à part enseigner il n'y a pas grand-chose à faire dans les environs. C'est un peu ennuyant par moments. En fait, ça dépend de la présence des autres volontaires.
Les quelques jours où je suis seul, je trouve le temps long. Il fait noir à partir de 18h30 et si M. Chum n'est pas dans le coin, je ne peux entretenir une conversation à moins d'avoir un dédoublement de personnalité.
Mais fort heureusement, parmi les treize jours que je passe à Takeo, Jean et Marc n'ont eu à s'entretenir que deux fois. Parmi les volontaires: Nina (Suédoise), Pontus (Suédois), Mushie (une fille de la Gambie... à défaut de savoir quel nom portent ces gens!), Maria (Espagnole), Lesley (Anglaise), Philipp (Allemand) et Hannah (Australienne).
On passe plusieurs soirées à jouer aux cartes: Texas Hold'Em (chacun met une piastre US), Uno, Bullshit poker et Shithead. C'est toujours plaisant et les jeux de cartes franchissent facilement la frontière du langage quand ils sont faciles. On a même initié quelques enfants à Shithead.
La hutte dans laquelle nous dormons est tout ce qu'il y a de plus simple: quatre murs avec une porte, ainsi que des matelas équipés de mosquito nets. Ces derniers pourraient aussi s'appeler spider nets, parce qu'ils empêchent ces plus grosses bestioles de nous rendre visite pendant la nuit. Un matin, je suis à peine réveillé que j'entends Pontus s'exclamer avec énergie "Have you seen it? It's the biggest I ever saw!". Je m'empresse de me lever pour voir l'araignée cramponnée au mur. La bête fait entre 8 et 10 centimètres de diamètre. Notre hôte cambodgien vient la chasser comme si rien n'était, comme j'aurais éliminé un maringouin. J'ai par la suite toujours vérifié que mon mosquito net était bien fermé autour de mon matelas.
Cette anecdote fait partie du quotidien chez les Cambodgiens de la campagne. Tout comme leur consommation de vin de palmiers. A deux reprises je me suis fait offrir ce vin. Rien à voir avec les grands crus français ou italiens. Les deux fois, j'ai fait cul-sec en faisant abstraction de l'aigreur du goût. Ce vin ne se déguste pas, il se cale! Pontus et Alex (Suédois) ont eu droit au même traitement.
Dans un ordre d'idées totalement différent, j'ai été invité avec Philipp par M.Chum (alors que nous étions les deux seuls volontaires) à une réunion où des organisations (religieuse et humanitaires) se serrent les coudes pour venir en aide à 75 orphelins des alentours. Alors que toute la réunion se déroule en khmer, M. Chum nous fait la traduction en anglais. Une cinquantaine d'orphelins reçoivent docilement le message.
Avec seulement quelques minutes de préavis M. Chum nous demande si l'un de nous deux veut faire un petit discours aux orphelins. Philipp n'est pas trop chaud à l'idée et c'est moi qui me jette à l'eau. Mon discours (en anglais, bien sûr!) se résume à valoriser l'éducation, à les encourager à poursuivre l'école et à profiter de l'aide dont ils disposent auprès des organisations présentes. Le tout traduit par M. Chum. Philipp me complimente d'ailleurs sur mon discours, ça me fait une fleur.
Plus tard, dans l'après-midi j'ai une discussion avec le moine de la pagode (venu en aide aux orphelins). Il me demande si je suis prêt à faire un don pour supporter leurs efforts envers les orphelins. Je le fais réfléchir sur la coordination possible des efforts entre toutes les organisations présentes, puisqu'il y a de la bonne volonté et beaucoup de potentiel, mais peu de structure.
A la suite de l'une de mes chroniques précédentes, mon oncle Bernard me disait "...mais fais quand même attention à l'hommerie" en parlant de mon volontariat. Ce que Bernard appelle l'hommerie , c'est le côté moins reluisant de la nature humaine. Le côté fourbe, hypocrite et malhônnête. Eh bien, je ne peux pas être sûr à 100% de ce que j'avance, mais malgré la bonne volonté démontrée (et il y en a vraiment), j'ai senti que l'hommerie était aussi au rendez-vous.
Le manque de transparence et des explications bizarres m'ont rendu perplexe. De plus, à chaque problème rencontré, la solution envisagée requérait toujours de l'argent. Je dirais même: de plus en plus d'argent. Mes impressions sont partagées par plusieurs volontaires. Je ne laisse pas de chèque en blanc après mon départ.
Malgré ces impressions, j'ai beaucoup aimé mon passage dans Takeo. Mon voyage a pris une dimension plus profonde, plus humaine. Le contact avec les enfants et les jeunes est extra. Je vais garder le souvenir de plusieurs d'entre eux: Picsaï, Dawin, Jon, Rye, On, Sarom, Rany, Rachana, Thida, Lida, Neat, Kimlin et Sarin.
Avant mon départ, j'ai connu une soirée magique en compagnie d'Hannah et des enfants des maisons voisines. Pendant une heure, nous avons joué dans les champs de riz sous le clair de lune. C'est une expérience que je n'oublierai pas de sitôt. Le rire des enfants alors que je les fais danser dans mes bras est gravé dans ma mémoire.
Goodbye teacher!
(Village de Svaiprey dans la province de Takeo - 7 au 27 février 2007)