23 février 2007

I'm fine, thank you. And you?

Je dois avouer qu'à part enseigner il n'y a pas grand-chose à faire dans les environs. C'est un peu ennuyant par moments. En fait, ça dépend de la présence des autres volontaires.

Les quelques jours où je suis seul, je trouve le temps long. Il fait noir à partir de 18h30 et si M. Chum n'est pas dans le coin, je ne peux entretenir une conversation à moins d'avoir un dédoublement de personnalité.

Mais fort heureusement, parmi les treize jours que je passe à Takeo, Jean et Marc n'ont eu à s'entretenir que deux fois. Parmi les volontaires: Nina (Suédoise), Pontus (Suédois), Mushie (une fille de la Gambie... à défaut de savoir quel nom portent ces gens!), Maria (Espagnole), Lesley (Anglaise), Philipp (Allemand) et Hannah (Australienne).

Mushie

Maria

Lesley

On passe plusieurs soirées à jouer aux cartes: Texas Hold'Em (chacun met une piastre US), Uno, Bullshit poker et Shithead. C'est toujours plaisant et les jeux de cartes franchissent facilement la frontière du langage quand ils sont faciles. On a même initié quelques enfants à Shithead.

La hutte dans laquelle nous dormons est tout ce qu'il y a de plus simple: quatre murs avec une porte, ainsi que des matelas équipés de mosquito nets. Ces derniers pourraient aussi s'appeler spider nets, parce qu'ils empêchent ces plus grosses bestioles de nous rendre visite pendant la nuit. Un matin, je suis à peine réveillé que j'entends Pontus s'exclamer avec énergie "Have you seen it? It's the biggest I ever saw!". Je m'empresse de me lever pour voir l'araignée cramponnée au mur. La bête fait entre 8 et 10 centimètres de diamètre. Notre hôte cambodgien vient la chasser comme si rien n'était, comme j'aurais éliminé un maringouin. J'ai par la suite toujours vérifié que mon mosquito net était bien fermé autour de mon matelas.

Cette anecdote fait partie du quotidien chez les Cambodgiens de la campagne. Tout comme leur consommation de vin de palmiers. A deux reprises je me suis fait offrir ce vin. Rien à voir avec les grands crus français ou italiens. Les deux fois, j'ai fait cul-sec en faisant abstraction de l'aigreur du goût. Ce vin ne se déguste pas, il se cale! Pontus et Alex (Suédois) ont eu droit au même traitement.

Dans un ordre d'idées totalement différent, j'ai été invité avec Philipp par M.Chum (alors que nous étions les deux seuls volontaires) à une réunion où des organisations (religieuse et humanitaires) se serrent les coudes pour venir en aide à 75 orphelins des alentours. Alors que toute la réunion se déroule en khmer, M. Chum nous fait la traduction en anglais. Une cinquantaine d'orphelins reçoivent docilement le message.

Avec seulement quelques minutes de préavis M. Chum nous demande si l'un de nous deux veut faire un petit discours aux orphelins. Philipp n'est pas trop chaud à l'idée et c'est moi qui me jette à l'eau. Mon discours (en anglais, bien sûr!) se résume à valoriser l'éducation, à les encourager à poursuivre l'école et à profiter de l'aide dont ils disposent auprès des organisations présentes. Le tout traduit par M. Chum. Philipp me complimente d'ailleurs sur mon discours, ça me fait une fleur.

Plus tard, dans l'après-midi j'ai une discussion avec le moine de la pagode (venu en aide aux orphelins). Il me demande si je suis prêt à faire un don pour supporter leurs efforts envers les orphelins. Je le fais réfléchir sur la coordination possible des efforts entre toutes les organisations présentes, puisqu'il y a de la bonne volonté et beaucoup de potentiel, mais peu de structure.

A la suite de l'une de mes chroniques précédentes, mon oncle Bernard me disait "...mais fais quand même attention à l'hommerie" en parlant de mon volontariat. Ce que Bernard appelle l'hommerie , c'est le côté moins reluisant de la nature humaine. Le côté fourbe, hypocrite et malhônnête. Eh bien, je ne peux pas être sûr à 100% de ce que j'avance, mais malgré la bonne volonté démontrée (et il y en a vraiment), j'ai senti que l'hommerie était aussi au rendez-vous.

Le manque de transparence et des explications bizarres m'ont rendu perplexe. De plus, à chaque problème rencontré, la solution envisagée requérait toujours de l'argent. Je dirais même: de plus en plus d'argent. Mes impressions sont partagées par plusieurs volontaires. Je ne laisse pas de chèque en blanc après mon départ.

Malgré ces impressions, j'ai beaucoup aimé mon passage dans Takeo. Mon voyage a pris une dimension plus profonde, plus humaine. Le contact avec les enfants et les jeunes est extra. Je vais garder le souvenir de plusieurs d'entre eux: Picsaï, Dawin, Jon, Rye, On, Sarom, Rany, Rachana, Thida, Lida, Neat, Kimlin et Sarin.

Rany et Rachana

Kimlin et Sarin

Avant mon départ, j'ai connu une soirée magique en compagnie d'Hannah et des enfants des maisons voisines. Pendant une heure, nous avons joué dans les champs de riz sous le clair de lune. C'est une expérience que je n'oublierai pas de sitôt. Le rire des enfants alors que je les fais danser dans mes bras est gravé dans ma mémoire.

Goodbye teacher!

Un de mes groupes

Le regard curieux

Mr. Attitude

Les enfants aiment la caméra!

JM dans le nouveau local

(Village de Svaiprey dans la province de Takeo - 7 au 27 février 2007)

14 février 2007

Hello, what is your name?

Le conducteur de la motocyclette m'emmène sur un rang rouge et poussiéreux. Le "bureau" de ETO est à quelques kilomètres de la route. Le paysage se compose de champs de riz et de petites maisons modestes faites en bois.

Les champs de riz

Une fois sur place, je suis accueilli par Nina et Johanna (Suédoises) qui sont ici comme volontaires. Elles sont là depuis deux jours et me donnent un crash course de quinze minutes sur l'enseignement de l'anglais. A peine ai-je saisi ce que je dois faire que M. Chum (le fondateur de ETO) arrive et me demande de commencer à enseigner. "Pas de problème!" que je lui dis.

Le contact avec les enfants commence toujours par Hello, what is your name? Ensuite dans un enchaînement rapide viennent: How are you?, Where are you from?, How old are you?, How many brothers and sisters do you have?, et Are you married? pour compléter le pedigree. Ces mêmes questions me sont posées, ainsi qu'à tous les volontaires plusieurs fois.

Un des élèves

Les enfants des alentours

Rye et Jon

La classe

La brillante Sarom

Good day teacher!

Damen a.k.a The Monkey

C'est comme ça que mon expérience commence. Bon d'accord, au début pour enseigner je ne suis pas trop certain où je m'en vais, mais après deux ou trois heures j'ai pris le tour et j'y ai pris goût.

Autant que ça peut être demandant par moments de soutenir un niveau d'énergie élevé, autant la récompense est grande lorsque je constate leur enthousiasme à apprendre et que je vois l'énergie qu'ils mettent pour comprendre et participer. C'est une expérience très enrichissante.

JM dans sa classe

Le niveau d'anglais des élèves varie souvent avec leur âge. Mais à l'intérieur d'un même groupe l'uniformité est souvent absente. Ainsi dans une même classe, les élèves démontrent des aptitudes fort différentes. Ça vient rehausser le défi.

Hello teacher!  What is your name?

Mon conducteur attitré

Les classes dans lesquelles j'enseigne sont souvent à l'extérieur. La plupart sont à proximité des champs de riz et souvent les animaux de la ferme sont tout près. Dans une de mes classes, j'ai la visite d'une poule et de ses poussins tous les soirs vers 18h00. Elle vient s'installer pour dormir... La vie est bien différente à la campagne! Ça met bien en valeur que je suis un gars de la ville.

Sinon, je commence à m'habituer à la présence des vaches, des poules, des coqs et des cochons. Ceux-ci sont tous en liberté à l'exception des vaches. Toutefois, les veaux ont leur passeport pour toute la ferme.

Un petit cochon, ça pue!

Je croyais comme tout bon citadin que la campagne est un endroit paisible. Quelle erreur! Laissez-moi vous dire que du point de vue sonore, je dors mieux à Phnom Penh que dans la province de Takeo.

La nuit j'ai droit à tous les bruits. D'abord, il y a les chiens qui aboient tous en choeur pendant de longues minutes. Puis, il y a les coqs qui se mettent à hurler sans raison apparente pendant quinze minutes à trois heures du matin. Sinon, il y a parfois des festivités où il y a de la musique avec beaucoup de basses. Ou encore, il y a des moines qui prient dans un micro lors de funérailles. Croyez-moi, la campagne peut être bruyante!

(Village de Svaiprey dans la province de Takeo - 7 au 27 février 2007)

05 février 2007

Phnom Penh et ses enfants

Mon passage à Phnom Penh est tout ce qu'il y a de relaxe. Je suis installé dans une guesthouse qui a une superbe vue sur le lac. Les dix jours que je passe dans la ville sont au ralenti.

Le soleil se couche sur le lac

Phnom Penh n'est pas la ville où il y a le plus à voir. Mais, son coin pour backpackers est trop cool et c'est la principale raison qui fait que je passe beaucoup de temps ici. Aussi, ça fait plusieurs mois que je suis un rythme rapide de voyage (beaucoup de déplacements) et je sens tout simplement le besoin de me fixer quelque part pour plus longtemps que juste trois ou quatre jours.

A part le palais royal, la ville qui a été le théâtre de sombres événements pendant le règne des Khmers Rouges et de Pol Pot, permet la visite des Killing Fields et de S-21, une école convertie en prison. Il y a aussi le marché central et le marché russe qui sont intéressants.

Le soleil se couche aux alentours du marché central

Du pain SVP!

Je n'ai pas le goût de vous faire un autre résumé d'atrocités comme je l'ai déjà fait pour Auschwitz. C'est trop lourd et trop triste. D'autant plus que les événements ont eu lieu récemment et que la plaie ne semble pas complètement guérie. La page se tourne lentement. L'héritage de cette noire période reste la pauvreté et la faim pour plusieurs et un sentiment d'injustice. Il semblerait qu'un procès se prépare contre les Khmers rouges (30 ans après), mais qu'un climat d'incertitude plane quant au résultat de ce dernier.

Donc, je fais la visite du palais, des killing fields et du S-21. Cependant, j'évite les shooting ranges. Ces derniers donnent accès au défoulement par arsenal militaire. Mitraillettes (30-40$), grenades (30$) et bazookas (200$) sont à votre disposition. Vous n'avez qu'à passer votre commande.

Le palais royal

Dans une perspective culturelle, le français est encore parlé au Cambodge, mais seulement par la génération la plus âgée. Le café Internet d'où j'écris ces lignes est tenu par une femme sur la fin de la cinquantaine et sa fille. La mère parle le français et je m'entretiens avec elle dans ma langue maternelle.

Dans un autre ordre d'idées, je contacte Johnny. Il est en charge de l'organisme chrétien His Child. L'organisme a un orphelinat à quelques kilomètres de Phnom Penh et vient huit fois par semaine dans la ville avec un autobus. Je viens leur donner un coup de main et j'observe ce qu'ils font pendant une heure et demie avec les enfants de la rue.

A bord de cet autobus, ils prennent soin des enfants. Ils leur font prendre une douche, changent leurs vêtements, leur donnent un petit quelque chose à manger, jouent et chantent avec eux et leur donnent un peu d'éducation. Ces enfants sont souvent laissés à eux-mêmes par des parents occupés à ramasser quelques sous comme ils le peuvent. Ils sont pauvres.

Le contact des enfants est rafraîchissant. Ils ont besoin d'attention et d'un contact humain. Je les attends avec une serviette à la sortie de la douche pour leur sécher les cheveux et les peigner. J'aime cette expérience. D'ailleurs, je reviens à trois autres reprises. Elle me pousse à trouver autre chose qui me permettrait de m'investir encore plus au niveau du temps.

C'est pour donner suite à mon désir de faire plus que je contacte M. Chum de l'organisation ETO (Educational Training Organization). Il m'attend dans la province de Takeo. Je vais enseigner l'anglais. La province est pauvre, les enfants et les jeunes de la province ont besoin d'éducation. Leur apprentissage de l'anglais dépend des volontaires étrangers faisant un arrêt dans la province. C'est la campagne qui m'attend là-bas, avec les poulets, les cochons et les vaches. Meeuuuhh!

(Phnom Penh - 28 janvier au 6 février 2007)

Le pays des Khmers

Pour vous aider à mettre un visage sur les Cambodgiens, voici quelques portraits réalisés pendant mon séjour à Siem Reap. Ceux-ci ont été pris à l'occasion de nos visites des chantiers écoles (lieu d'apprentissage et de réalisation d'artisanat par des jeunes et des victimes de mines antipersonnelles), ainsi que sur le site d'Angkor Vat.

Une artisane

Un artisan

Une famille cambodgienne

Une trop jeune vendeuse de bracelets

Une hôtesse de casse-croûte

Une autre trop jeune vendeuse de cossins

(Siem Reap - 21 au 27 janvier 2007)

Sur les traces du royaume d'Angkor

A la recherche d'Angkor

Je quitte ma hutte à Koh Chang à 7h30 du matin pour prendre la direction de Siem Reap au Cambodge. Cette ville est à proximité du site d'Angkor Vat, fameux pour ses temples cachés par la jungle.

Il y a une nette démarcation entre la Thaïlande et le Cambodge. Une fois la frontière traversée, la route est un chemin de terre cahoteux et poussiéreux. C'est cinq heures de route de la frontière jusqu'à la ville de Siem Reap, le confort est absent, l'air est sec et poussiéreux à cause de l'état de la route et c'est difficile de se reposer, les bancs ne sont pas confortables.

En chemin depuis la Thaïlande, je fais la connaissance de la famille Martinez (française) et d'Alain (Québécois). Olivier et Annael voyagent avec leurs deux enfants: Naeliam et Lilia. Ils sont en voyage dans le sud-est de l'Asie pour les deux prochains mois. Leur décision de prendre le temps de voyager avec deux jeunes enfants m'inspire, ils ne se limitent pas dans le choix de leurs destinations. Pendant deux mois, ils donnent l'école à Naeliam et Lilia au quotidien pour leur permettre de rester à jour. Alain de son côté, est en Asie depuis les 7 derniers mois. Il a passé du temps au Népal, en Inde et en Thaïlande avant son entrée au Cambodge. Il est de Montréal. C'est avec eux que je fais la visite d'Angkor Vat.

Naeliam, Lilia, Oliver et Annael

Alain

Nous atteignons Siem Reap en fin de soirée, vers 22h30.

Le premier truc qui me frappe en pénétrant au Cambodge, c'est le haut niveau de pauvreté. Les premiers paysages urbains que je vois sont des bidonvilles. Le Cambodge fait partie des pays les plus pauvres au monde. Les sombres années de Pol Pot et des Khmers rouges (de 1975 à 1979) ainsi que la guerre civile jusqu'en 1993 ont laissé le pays dans une pauvreté marquée.

Les infrastructures ne sont pas solides dans le pays. Je vous ai déjà mentionné l'état des routes qui laissent à désirer, mais il y a aussi de nombreuses pannes de courant. Celles-ci plongent la ville dans une noirceur presque totale. Seulement de grands hôtels munis de génératrices s'en sortent sans chandelles.

Un autre point marquant, c'est que la population est très jeune. Je ne vois que peu de personnes agées. J'ai lu que 56% de la population a moins de 19 ans. Ça se constate par le nombre d'adolescents qui travaillent. Il n'y a pas d'âge quand vient le temps de travailler pour survivre. Ce pays appartient à la jeunesse.

C'est un constat que je fais aussi en visitant Angkor Vat. Les enfants (aussi jeunes que 3 ou 4 ans) sont mis à contribution du revenu familial en vendant un paquet de cossins: livres photocopiés, bracelets, colliers, bouteilles d'eau... Tout se vend à des prix défiant la mondialisation. Impossible ou presque de trouver plus bas. Malgré un contexte difficile, les Cambodgiens sont très souriants. Leur accueil est chaleureux.

La trop jeune vendeuse de cartes postales à l'entrée d'un temple.  Elle doit avoir 3 ou 4 ans

Une moine s'occupant des offrandes

Mais parlant d'Angkor Vat, le site est magnifique. Il attire beaucoup de touristes. Beaucoup de gens viennent au Cambodge seulement pour Angkor Vat. La ville de Siem Reap dispose d'ailleurs de son propre aéroport international pour accueillir la manne.

Angkor Vat est un ensemble immense de temples répartis dans la jungle. En fait, avec les années la jungle a englouti les temples. Ce n'est qu'au 19e siècle que les écrits d'un naturaliste français ont piqué l'intérêt international, alors que les souvenirs de la ville d'Angkor étaient presque éteints.

Le site est en ruines. Les racines des arbres et le manque d'entretien pendant des années ont contribué à l'effondrement de murs et de plafonds.

A défaut de faire la visite sur place, celle-ci se fait bien par photos...

La fameuse Angkor Vat

Les arbres prennent le dessus sur les temples

Un temple en retrait

Impossible de passer!

Certains temples sont bien préservés

Une figure du site Bayon

Les danseuses Asparas encadrant un guerrier

Toujours sur le site d'Angkor Vat, il nous a été possible d'observer et de nous amuser avec des singes en liberté. Ceux-ci nous grimpaient dessus pour une banane. On a trouvé le moyen de se faire du fun avec ces petites bêtes.

Un singe m'a vite pris pour un bananier!

Une guenon et son petit

(Siem Reap - 21 au 27 janvier 2007)